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HISTOIRES DU CINÉMA

La porte ne s'ouvre pas chez Pierre Barouh, elle l'est déjà. C'est sa façon de recevoir et ça pose rapidement le personnage. Lui se balade avec une bienheureuse présence dans son vieil et magnifique appartement parisien, à deux pas du Panthéon, entre photos du passé célébré, collection en bordel de ses albums et films, images de la famille enfantée au Japon et peintures abstraites plus récentes.

Il a vieilli Pierre, on l'appelle Pierre, depuis ce fameux 'Un Homme et une Femme' qui allait changer sa vie et pas mal d'autres. Palme d'or à Cannes, mais surtout un refrain entêtant, ce 'chabada' qui pourtant n'existait pas. Il marie sa partenaire à l'écran, Anouk Aimée, il investit son argent dans un moulin en Vendée qu'il reconverti en communauté pour amis et artistes de passages. Il venait de fonder son propre label de musique, 'Saravah', d'après cette expression brésilienne qui mélange le sacré 'béni sois tu' et le trivial 'salut', il venait de découvrir le Brésil et ses chansons pleines de chaleur. Il allait y tourner quelques années plus tard en compagnie de son ami, le génial guitariste Baden Powell, l'autre pan de sa légende, ce sublime film du même nom 'Saravah' qu'il qualifie de 'hold up tourné en trois jours'.

Pierre parle beaucoup, ressasse ses souvenirs, aime raconter ses amitiés du temps lointain, de Claude Lelouch à Francis Lai, de Brigitte Fontaine à Jérome Savary, en égrenant les noms, non pour impressionner son auditeur mais plutôt pour s'assurer que tout cela a bien eu lieu. Il semble se les raconter à lui-même, se les repasser en boucle comme pour ne pas les oublier. Il a tendance à oublier ses chansons, il se plante plusieurs fois mais n'a pas trop de problème avec ça. Il est heureux de se laisser retomber dans ses histoires, cherchant au fond de sa mémoire la suite des mots, la suite de ses aventures.

Quelques mois plus tard, en passant avec un ami dans les jardins du Luxembourg attenant, une discussion se met à évoquer Pierre Barouh par une coïncidence heureuse. On lui téléphone, il est à la maison mais n'a pas beaucoup de temps, et d'ailleurs ne semble plus trop se souvenir de ce film fait ensemble. On insiste, et on a bien raison, ses histoires nous accompagneront le reste de la journée autour de sa table de cuisine. De toute façon, la porte était encore ouverte.